<Visualiser la Palestine, Le régime “Gaza”, 2018>
Selon Israël, les Palestiniens ont besoin de 37% de moins de fruits et légumes que les Israéliens.
Selon Israël, les Palestiniens ont besoin de 43% de moins de produits laitiers que les Israéliens.
Selon Israël, les Palestiniens ont besoin de 19% de moins de viande que les Israéliens.

Chers amis, chères amies,

Salutations du bureau du Tricontinental: Institut de recherche sociale.

Le 13 novembre 2019, dans le cadre de leur attaque meurtrière contre la population de Gaza, les forces armées israéliennes ont bombardé un bâtiment dans le quartier de Deir al-Balah. Cette attaque a tué huit personnes : Rasmi Abu Malhous (45 ans), Miriam Asoarka (45 ans), Yoseri Asoarka (39 ans), Sim Mohamed Asoarka (13 ans), Mohand Malhous (12 ans), Moad Mohamed Asoarka (7 ans) et deux jeunes enfants sans nom. Les forces armées israéliennes ont déclaré qu’elles avaient pris pour cible un commandant du Djihad islamique, bien que tous les habitants du quartier aient déclaré qu’aucun de ces commandants ne vivait dans le bâtiment ou dans la zone. “C’était une famille très simple et pauvre, qui vit de main en main dans une cabane en fer blanc, sans eau ni électricité. Ils vivaient de leurs troupeaux de moutons,” a dit un voisin. Les autorités israéliennes ont déclaré qu’elles pensaient que la maison était vide.

Ce qui s’est passé ce jour-là est devenu la routine à Gaza, qui est une ruine peuplée de près de deux millions de personnes. Gaza, une bande de terre garrottée qui s’étend sur la mer Méditerranée, ne peut pas importer de marchandises pour survivre, et encore moins pour reconstruire les dégâts causés par les attaques israéliennes. En 2012, l’Agence palestinienne de l’ONU (UNRWA) a fait valoir qu’il faudrait des  » efforts herculéens  » dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’énergie, de l’eau et de l’assainissement pour faire de Gaza un endroit habitable. Trois ans plus tard, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a  estimé que le bombardement constant de l’infrastructure de Gaza par Israël et l’embargo israélien sur Gaza rendraient le territoire  » invivable en 2020 « . Aucune tentative n’a été faite pour inverser l’évolution de la situation…

L’année dernière, les États-Unis ont interrompu le financement de l’UNRWA, qui boite maintenant sans s’attendre à réunir les fonds nécessaires pour financer les écoles, les cliniques, les services d’urgence, les secours et les services sociaux – soutien essentiel aux Palestiniens dont les familles sont dans des camps de réfugiés ou en exil depuis cinq générations. L’UNRWA joue un rôle majeur pour les Palestiniens, en particulier à Gaza. Lors du bombardement israélien de la mi-novembre, au moins 34 Palestiniens ont été tués. Parmi eux se trouvait Ameer Rafat Ayad, un élève de classe II de l’école primaire Zaitoon de l’UNRWA.

Ghassan Kanafani (TBT) :  » L’impérialisme a posé son corps sur le monde, la tête en Asie de l’Est, le cœur au Moyen-Orient, ses artères atteignant l’Afrique et l’Amérique latine. Partout où vous le frappez, vous l’endommagez et vous servez la Révolution Mondiale’ .

Pendant six décennies, le peuple palestinien s’est vu refusé les droits d’État et les droits de citoyenneté. Ils ont été réduits par la cruauté de l’histoire à être des réfugiés et un peuple occupé. La promesse d’une solution à deux États est maintenant largement éviscérée. Les colonies de peuplement en Cisjordanie, l’attrition de Jérusalem-Est et le siège imposé à Gaza ont rendu impossible la souveraineté – et même l’existence – de tout État palestinien sur ces territoires. Benjamin Netanyahou a parlé de l’annexion totale de la Cisjordanie ; aujourd’hui, le gouvernement américain a ouvertement déclaré qu’Israël peut revendiquer les colonies comme faisant partie de son territoire, ce qui signifie que la Cisjordanie peut être saisie. Tel est le mépris manifesté par l’État d’Israël – et ses facilitateurs américains – à l’égard de la solution à deux États. Ils veulent une solution à trois États – expulser les Palestiniens vers les trois États de Jordanie, du Liban et d’Égypte. C’est pourquoi le régime israélien humilie si systématiquement et si durement la population palestinienne au quotidien.

Mashrou’ Leila, Cavalry [Cavalerie], 2019

Cette humiliation systématique se manifeste dans les fouilles, les insultes et l’emprisonnement, dans la dévastation des oliveraies, dans le mur d’apartheid qui encercle à la fois la Cisjordanie et Gaza, aux points de contrôle où les Palestiniens subissent régulièrement le dénigrement. Le groupe Set top the Wall vient de publier un recueil  en ligne d’essais, Build Resistance Not Walls, où la féministe et juriste palestinienne Nadera Shalhoub-Kevorkian décrit  la résilience des jeunes enfants palestiniens qui refusent d’accepter le fait de l’occupation coloniale, et où Hala Marshood et Riya Al’Sanah de Who Profits from the Occupation regardent les milliards de gens du monde – dont les Palestiniens –  » entreprendre des voyages épuisants et souvent meurtriers en quête d’une meilleure vie.

Un mur n’existe que si vous ne le contestez pas. Si vous lui résistez, le mur n’est que de la terre qui peut s’effondrer. Si vous résistez, vous n’êtes pas derrière un mur. Ce sont ceux qui sont inhumains qui sont retenus par le mur. Ils se cachent derrière le mur. C’est leur mur. Ce n’est pas notre mur. Nous vivons dans un monde sans murs.

L’État israélien et une grande partie de la société israélienne rejettent une solution à un seul État, la position la plus possible, au motif qu’elle ne permettrait plus l’existence d’un État juif. Les Palestiniens seraient presque majoritaires et une telle démocratie serait inacceptable dans un État ethno-nationaliste. Donc, ce qu’Israël dit, c’est qu’elle se satisfait d’être un État d’apartheid et de l’annexion de cinq millions de Palestiniens dans le territoire occupé qui deviendront des résidents de seconde classe dans le Grand Israël. C’est l’apartheid, comme le disait un rapport des Nations Unies il y a deux ans. C’est la situation à laquelle nous sommes confrontés. C’est une situation encouragée par le gouvernement américain. C’est la réalité actuelle.

Aux Nations unies, il y a quelques jours, Andrew Gilmour, le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, a déclaré que rien ne pouvait « justifier le ciblage fréquent par des tireurs d’élite[israéliens] qui savent exactement ce qu’ils font et visent avec une immense précision – parfois à tuer, plus souvent à blesser mais avec des blessures qui changent la vie, dont la perte de la vue et l’amputation des membres – des milliers d’enfants palestiniens et beaucoup trop souvent ». “Pris dans son ensemble », a dit Gilmour, « c’est une injustice massive et un exemple systématique de discrimination et d’humiliation ».

Muath Amarneh – The Eye of Truth Will Never Be Shut [L’œil de la vérité ne sera jamais fermé]

Alors que Gilmour faisait sa présentation, les forces israéliennes ont pris pour cible des journalistes à Surif, près d’Hébron, en Cisjordanie. Muath Amarneh, un photographe palestinien, a été blessé à l’œil gauche alors qu’il faisait un reportage sur la saisie de terres palestiniennes par l’armée israélienne. “Les yeux de la vérité ne seront jamais aveuglés « , scandaient ses collègues lors d’une manifestation à Bethléem. Pour les journalistes, cette fusillade rappelle des souvenirs de l’assassinat de Yaser Murtaja, comme il l’a rapporté de la barrière de Gaza l’année dernière.

Samidoun, Freedom for Khalida Jarrar [Liberté pour Khalida Jarrar], novembre 2019

Cinq mille cinquante Palestiniens sont actuellement  incarcérés dans des prisons israéliennes, dont beaucoup sont en  » détention administrative  » arbitraire et illégale. Parmi eux, Khalida Jarrar, du Front populaire de libération de la Palestine, qui a déjà été arrêtée en 2015 et 2017 et libéré pour la dernière fois le 28 février 2019. Elle a été arrêtée de nouveau le 31 octobre 2019. Ce langage est grotesque – arrestation, juge, tribunal, droit. Rien de tout cela n’est réel, puisque Jarrar est détenue en dehors de toute disposition légale et est torturée dans une prison israélienne.

Le fil de la méchanceté va des prisons israéliennes aux maisons des militants du Mouvement pour le socialisme en Bolivie, où la violence provoquée par le coup d’État illégal et ses dirigeants s’est intensifiée. Qu’il s’agisse du gouvernement israélien ou des forces politiques évangéliques racistes et néo-fascistes en Amérique du Sud, ils préfèrent la violence à l’humanité. Il n’est pas surprenant que le nouveau  » gouvernement  » bolivien ait rapidement expulsé la brigade médicale cubaine, préférant les escadrons de la mort aux médecins.

Le taux d’exploitation, Cahier 2, publié à Delhi le 13 novembre 2019

Saviez-vous que l’ouvrier du 21ème siècle qui fabrique l’iPhone dans le monde est 25 fois plus exploité que l’ouvrier du 19ème siècle qui fabrique des textiles en Grande-Bretagne ? C’est la conclusion de notre Cahier 2 , intitulé Le taux d’exploitation; le cas de l’iPhone. A Delhi, notre équipe a organisé un lancement pour le Notebook à l’Université d’Ambedkar, où le Dr Satyaki Roy, professeur associé d’économie à l’Institute for Studies in Industrial Development, a parlé de  » l’architecture globale de l’hégémonie dans les réseaux de production « . Par la fragmentation de la production, a dit M. Roy, le capital mondial a intensifié son exploitation du travail ; l’iPhone Notebook clarifie cette tendance. Alors que le capital des pays du Sud, comme Foxconn, exploite directement et intensivement la main-d’œuvre, la plus grande partie de la plus-value totale est appropriée par les sociétés transnationales, le plus souvent basées dans les pays du Nord global. M. Roy a souligné la nécessité de se concentrer non seulement sur ceux qui travaillent dans les usines, mais aussi sur le travail informel qui produit souvent des biens et services pour la chaîne de valeur.

Le séminaire s’est déroulé dans l’ombre des tentatives du gouvernement indien de démanteler toute législation du travail encore en vigueur. Le gouvernement a divisé la liste des lois du travail en quatre codes – sur les salaires, sur les relations industrielles, sur la sécurité sociale et sur la santé et les conditions de travail. Jusqu’à présent, le gouvernement a publié son code des salaires, qui est une attaque directe contre la vie des travailleurs. L’économie de l’Inde est dans le marasme, avec des taux de croissance lents et sans fin en vue. Le gouvernement indien cherche à accroître la croissance en s’attaquant au travail, ce qui démontre clairement la vision marxiste selon laquelle la richesse est créée par l’extraction de la plus-value. Les principales fédérations syndicales du pays ont déclaré que plus de 200 millions de travailleurs se mettront en grève le 8 janvier 2020.

Ces travailleurs, comme les Palestiniens et les Boliviens, descendent dans la rue avec les paroles de Brecht dans In Praise of Dialectics (1951) à leurs oreilles,

Quand les dominants auront parlé,

Alors les gouvernés commenceront à parler.

Qui ose dire « jamais » ?

Qui est à blâmer si l’oppression persiste ? Nous le sommes.

Qui peut briser son emprise ? Nous le pouvons.

Celui qui a été battu doit se lever !

Celui qui est perdu doit se défendre !

Quiconque a reconnu son état – comment peut-on l’arrêter ?

Parce que les vaincus d’aujourd’hui seront les vainqueurs de demain !

Cordialement, Vijay.

*Traduit par Alexandre Bovey.